Pour toujours elle devait leur cracher à la figure, "pour voir !". La jeune femme était maintenant verte, livide. Elle ne se cachait pas, mais elle pleurait, doucement, comme une enfant.
Sa race l'avait pervertie, croyait-elle, car elle ne croyait plus en Dieu. Mais l'image qu'elle s'était faite de lui noircissait sa vision de la vie, en lui pourrissant l'existence...
On s'attendrissait devant ce chaton mal peigné. Se sentir regardée ainsi pouvait être comme un baiser volé, timide, court...
Mais personne ne reconnaissait dans cette bête infernale celle qu'elle voulait être devenue, pendant qu'elle courait en pleurant, sans savoir.
Elle allait leur cracher à la figure des fleurs sur le point de mourir, des oiseaux égorgés que l'on n'arrivait plus à faire chanter, malgré la meilleure des bonnes volontés, et un peu d'herbe coupée jaune - pour la décoration.
S'ils revenaient, s'ils tentaient par l'ardeur de leurs doigts emmêlés d'approcher la sauvagerie qu'elle ne savait pas devoir au tempérament naturellement félin de sa monture, elle serait douce et onctueuse avec eux.
En réponse à la méchanceté affichée par tous les autres - ceux qui ne comprendraient pas sa valeur cachée, imméritée - elle serait assez bonne pour continuer, inlassablement, opiniâtre, à leur dire leurs vérités, celles qu'ils ne voulaient pas voir mais qu'elle avait vues, elle, avec ses yeux de chat, percevant la nuit ce que d'autres cherchent en plein jour...